lundi 12 novembre 2007

Résumé des derniers mois


Dans le cadre de mon stage, je devais écrire pour Oxfam Quebec un article résumant mon expérience. C'est un petit peu répétitif de certains articles publiés précédemment sur mon blog mais je crois que ça résume bien l'expérience que je vis jusqu'à maintenant.

Chance ou responsabilité ?

J’avais 15 ans lorsque j’ai réellement été confronté à la pauvreté pour la première fois de ma vie. C’était dans le cadre d’un stage de sensibilisation à la pauvreté de deux semaines au Nicaragua. Organisé par mon école secondaire, ce stage englobait toute une préparation mentale et technique, mais il n’y a rien comme aller sur le terrain et constater la condition de ses propres yeux. J’avais été témoin de situations de pauvreté au Québec à travers le bénévolat que j’avais fait dans quelques organismes communautaires mais la vision d’une pauvreté omniprésente, sans organisme ou aide sociale pour supporter une population entière, m’a grandement marquée.

Je n’ai cessé de me questionner à savoir ce qui me différenciait d’un enfant Nicaraguayen, d’un jeune Somalien ou d’une adolescente du Yémen. Pourquoi ai-je le choix, aussi banal soit-il, de manger au déjeuner du pain au beurre d’arachide, au nutella ou à la confiture, alors que ce Nicaraguayen, ce Somalien et cette Yéménite n’auront probablement jamais ce choix à faire ; il mangeront ce qu’il pourront se mettre sous la dent. Est-ce une chance d’être née au Canada, un pays où règne la démocratie et où ils existent des supports sociaux pour manger, se loger et étudier?

Pour moi, être Canadienne représente une responsabilité, je le perçois comme un devoir d’utiliser ces structures politiques, cette liberté d’expression et cette « réputation » et crédibilité dont nous jouissons en tant que Canadiens sur la scène internationale. Grâce au programme de stages internationaux pour les jeunes (PSIJ) de l’Agence Canadienne de Développement International j’ai actuellement l’opportunité de vivre et travailler 6 mois dans une ONG de Lima au Pérou. Plus précisément, je réalise ce stage à travers le Club 2/3, la division jeunesse d’Oxfam Québec.

Je suis arrivée à San Juan de Lurigancho, un district d’un million d’habitants en périphérie de Lima, à la fin du mois de juin 2007…juste à temps pour vivre l’hiver humide et gris de Lima ! Comme le district est très populeux, la possibilité de louer un appartement ici était quasi inexistante ; la solution était donc de s’intégrer à la vie d’une famille du quartier et de partager leur quotidien durant les 6 mois de la durée du stage. Ma famille d’accueil est composée de la grand-mère, ses 4 enfants et conjoints et les petits-enfants… 17 personnes en m’incluant ! Comment décrire cette expérience ? C’est intense mais tellement riche en même temps! Les jeunes sortent peu à l’extérieur de la maison (les filles ne sortent pas du tout) et c’est donc toute une aventure et un immense plaisir d’aller jouer au soccer avec les 6 enfants de la maison durant les fin de semaines.

Sur le plan professionnel, je travaille au « Consejo de Desarrollo del Cooperativismo » (CODECO), une ONG créé en 1998 pour développer le coopérativisme à San Juan de Lurigancho et favoriser le bien-être social et économique de la population. La première partie de mon mandat consistait à établir une alliance avec une université de gestion de Lima pour que des étudiants viennent réaliser des stages pratiques avec des jeunes entrepreneurs du district qui démarrent leurs petites entreprises. Une entente a été formalisée avec l’une des principales universités de gestion du pays, La Pacifico et à partir du prochain semestre, 27 étudiants encadreront 9 entreprises du district.

La seconde partie de mon mandat, plus ambitieuse, consiste à créer un programme d’épargne-construction pour tout le district de San Juan de Lurigancho. Le système est basé sur l’épargne hebdomadaire des habitants désirant améliorer leur maison (mettre un toit, faire une ampliation, construire un second étage, améliorer leur cuisine ou leur salle de bain, etc.) Le tout se fait à travers les trois principales coopératives d’épargne et de crédit du district et en collaboration avec CENCA, une ONG spécialisée en urbanisation, avec l’Université Nationale d’Ingénierie et avec Estrategia, une ONG qui travaille avec une technique constructive particulière.

Dans les régions urbaines du Pérou, la grande majorité des habitants construisent leurs maisons avec des briques rouges. Le programme d’épargne-construction actuel propose l’utilisation de matériaux de ciment résistant au tremblement de terre qui peuvent être construit par la population même. C’est donc dire qu’il y a création d’emploi pour la fabrication de bloques, de dômes pour le toit, de poutres et d’escaliers, tous en ciment. De plus, ce projet propose la collaboration avec un refuge de femmes pour que ces dernières soient formées à gérer et opérer l’atelier de fabrication. Pour le participant au programme d’épargne et d’amélioration de maisons, ces matériaux du ciment sont mois chers que les matériaux traditionnel et permettent l’auto-construction ; en plus d’être produit par une main d’œuvre locale.

Dès le début du programme, le participant peut rencontrer un stagiaire architecte ou ingénieur de l’Université Nationale d’Ingénierie et évaluer le coût de l’amélioration qu’il veut apporter à sa maison. À partir de ce moment, le participant doit épargner de manière hebdomadaire une quantité fixe qu’il a lui-même déterminée. Après les trois premiers mois, s’il a démontré une constance rigoureuse dans ses dépôts, la coopérative peut lui faire le crédit nécessaire pour qu’il réalise l’amélioration à sa maison.De plus, nous sommes en train de formaliser une entente avec le gérant général de l’association Atocongo, la division sociale de Ciment Lima, pour obtenir le ciment à prix réduit.

Durant les 2 premiers mois de travail sur ce projet, il n’y avait que mon amie architecte, Nara, et moi qui y travaillons à temps plein. Au cours des 3 dernières semaines, d’autres acteurs ont commencé à réellement s’impliquer et à croire en la faisabilité et viabilité du projet. Ce n’est plus « le projet de Nara et Geneviève » mais bien le projet des gens de San Juan de Lurigancho. Lorsque je quitterai le pays dans un peu plus d’un mois, j’espère que chacun des acteurs verra le projet comme le sien, comme celui de sa communauté.

Ce fût une décision un peu téméraire d’entreprendre ce projet avec moins de quatre mois à faire en sol péruvien Peut importe le résultat, nous aurons créé une collaboration entre divers acteurs de développement. Ces forces inconnues qui se seront réunis pourront certainement réaliser de grandes améliorations pour les gens de ce district au cours des années à venir. D’un point de vue personnel, j’ai appris énormément. J’ai identifié un peu mieux mes forces et mes faiblesses, connu une culture très riche et partagée une expérience des plus enrichissante avec une famille péruvienne. En plus et surtout, je me suis confirmée que je voulais œuvrer dans le domaine de la coopération internationale durant les années à venir.

Lorsque j’avais 15 ans, être confrontée à cette pauvreté au Nicaragua a semé une graine et jusqu’à aujourd’hui, je n’avais pas idée du temps que prendrait cette semence à germer. Ce qui est important, c’est que maintenant, j’ai cette conscience, ces images des gens qui s’efforcent de vivre dignement et j’ai ce désir immense de faire parti du changement, de cette transformation vers un monde juste. C’est ma responsabilité, notre responsabilité, de faire de notre monde, un lieu où il fait bon vivre pour tous.